24 Septembre 2022

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Atelier Mercredi

Ça fait plus d’un an que je n’ai pas travaillé la couleur pour la couleur. Absorbé par la description de ce qui a été déjà réalisé, ce qu’elle pouvait soulever, révéler… il n’y avait plus de place pour le Faire. Travailler demande une disponibilité entière. Ces temps passés depuis novembre entre l’usine, le recensement, le montage de la biennale, l’intervention au lycée, les semaines familiales en Ardèche puis enfin les semaines de démontage, toujours loin de ma caverne m’avaient abreuvées à l’écœurement aux songeries. Le cerveau est un organe toujours affamé et je l’ai nourrit de mathématiques élémentaires appliqués au système Ran, aux questions de temps, de phénomènes, de structures discrètes de l’espaces… de rapports, de tout ce que je maîtrise pas. Encore un champs dans lequel je cultive mon ignorance.

C’est bien tout ça, très bien, même joyeux , mais la pensée s’essoufflait à la mesure de l’inactivité de mes mains.

En arrivant je voulu sortir deux feuilles Fabriano dédiées à la série Ran9 (opus 5/6/7) mais trois furent tirés du carton. Bon Ben ok.

Je repris le rituel d’un Ran : plier, déchirer, prendre contact et obtenir 64 individus homothétiquement semblables à la feuille dont ils sont issus selon la formule en image ci-dessous.

L’exercice est plus long qu’il n’y parait, compter entre 1/2 et 3/4 d’heure par feuille. C’est assez délicat et il faut rester concentré. C’est Shichio qui m’a appris à plier et à déchirer ainsi le papier. Ce fut une révélation de geste et de résultat, une fenêtre ouverte sur la question de la frontière et des limites à laquelle j’aspirais et sur laquelle la peinture sur toile patine en s’éloignant toujours des bords, en creusant au lieu de s’étendre. Et quelle humilité de posture, d’ordre et de chaos. L’estampe c’est bien.

Voila c’est fait ! J’ai mes 192 individus et avant la pause de midi avec le petit dernier que je vais chercher à l’école. Farpait !

La couleur.

Je vais commencer par une couche violacée, sur les 3 pièces de la série, avec bien sûr des variations, certainement une progression. Je vais faire du violet car c’est ce à quoi j’ai songé la veille en cherchant le sommeil. Je vais faire du violet car j’ai en tête ces mots entendu et répétés au travail « j’aime pas le violet, c’est moche » et moi de me dire « c’est idiot comme réflexion, est-ce qu’un si ou un fa sont moches?! La couleur n’est pas une question de teinte et encore moins de mot et surtout elle n’est pas figée, n’est jamais seule ! ». Bref, bravade solitaire mais qui fit là office d’allumette chromatique.

Pour jouer un peu, me donner aussi une impression de nouveau, de frais je ne choisis pas parmi les huiles du placard mais ouvre un petit carton avec quelques tubes offert par les enfants et Élise pour mon anniversaire. 5 couleurs de chez Daler Rowney de la gamme Georgian : blanc de titane, jaune de Naples, bleu de céruléum, rouge de cadmium foncé et bleu de Prusse. Je suis en terrain connu et devine que Lupin a participé au choix des couleurs. Je choisis le Prusse et le cadmium. Bien que le bleu de Prusse soit parfois intolérant au mélange je suis sûr que je ne prends pas le risque d’une diarrhée chromatique avec ce rouge. J’irai progressivement en allant de plus en plus vers le cadmium. Opalka mais en moins bien, plus vite… En fait rien à voir.

Je prends une matrice de format inhabituel pour ces séries et un rapide calcul me prédit que pour passer une série de 64 individus il faudrait 2,66 matrices. C’est rigolo 2,66 j’aime assez. Ça veut dire que je vais devoir encrer la matrice 3 fois avec la même teinte, que je veux garder homogène pour ce premier passage. Je sais avec le temps que c’est une garantie pour l’errance des passages suivants. Je vais organiser mes mélange en fonction. Je sais aussi qu’il va rester de la place lors du dernier encrage et trouve une série d’individus déjà déchirés mais issus d’un papier différent, offert par monsieur Hiroshi Ishikawa et d’épaisseur plus grande. Je sens que ça ne va pas poser de problème, au pire un accident, ce qui est, quand il est bien accueilli, un heureux événement. Je teste que je peux rentrer 25 de ces individus sur la place qu’il reste (5×5). Pas de gâchis, j’aime bien comme ça.

Je n’écoute pas de conférence, je ne mets ni la radio ni la musique, j’observe le son du rouleau, j’écoute la vibration des couleurs. Je suis heureux qu’on se retrouve et d’avoir remis les pieds sur le pont. On est encore dans la rade, on voit encore le quai en grand mais l’attache est défaite et le plancher bouge timidement. Heureusement, au cas où, je sais nager.

D’ici deux jours, au plus, j’aurais fini la lecture de « Long Cours » de Simenon.


Formule qui met en rapport le nombre d’individus(i) obtenus par le nombre de réduction de la feuille (F) est qui est une puissance de 4.

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