Like a portrait of biological cells. V.Tillier’s impression after her visit to the studio.
Time is the best way that nature has found
so that everything does not happen at once.
(John Archibald Wheeler)
Comme un portrait de cellules biologiques. L’impression de V.Tillier après sa visite à l’atelier.
Le Temps est le meilleur moyen qu’a trouvé la nature
pour que tout ne se passe pas d’un seul coup.
(John Archibald Wheeler)
In the studio of Thomas Collet
"(...) the archive is also what makes it possible for all these things said not to amass indefinitely in an amorphous multitude, nor to inscribe themselves in an unbroken linearity, nor to disappear at the mere chance of external accidents; but that they group themselves into distinct figures, compose themselves with one another according to multiple relationships, maintain themselves or fade away according to specific regularities."
Michel Foucault, The Archaeology of Knowledge, 1969
In Thomas’s studio, time is history. The wing of the building dedicated to experimentation and creation is also home to part of the artist’s archive. Art books, works of history and other publications intended to span the generations – for which Thomas is a mediator – sit alongside the small and large papers of a family with many different paths.
The canvases of the last twenty years, large formats designed to fit the size of Man, bear luminous palettes and stand at attention for those willing to consider the breadth and diversity of the colourist artist’s work. Some of these paintings are made from old sheets or fabrics carefully chosen and then mounted in the desired format. Each of these paintings was a significant part of the prolegomena that gradually led Thomas to the Ran, monotypes with subtle chromatic nuances.
In Thomas’s studio, time is a partner. It is the precious ally of the memory in perpetual interrogation, like so many shards of a mirror in which the artist discovers himself at the same time as he invents himself, working alone but, in fact, never alone. The old masters he admired, the initiators he met and the passengers on the adventure of a lifetime form, as much as each of the individual monotypes completed or in gestation, a whole universe. Better still: a constellation.
In Thomas’s studio, time is an accomplice. It prevents regrettable loss, accompanies the gesture in its economy, guarantees the homeostasis of the system. Time is an agent, playing a full role, in complete confidence, when it oxidises, dries, metamorphoses, recovers and transforms metals, wood, paper and pigments. Oils, decoctions and infusions are regulated in a ballet of perpetual movement, where the recipe rubs shoulders with surprise and accident.
In Thomas’s workshop, time is tradition and heritage. The old ABIG press, patiently waiting to be put through its paces, will be delighted with the papers chosen. The Canson of yesteryear
have given way to Italian, German and Japanese papers. The industrial processes used to manufacture artists’ papers have often neglected to preserve the know-how that, as recently as twenty years ago, offered wefts, absorption qualities and liquid resistance that have all too often become the stuff of nostalgia.
His stay in Japan propelled Thomas into a galaxy where paper remains a vegetable, a slow, complex and expensive process: it is even sometimes considered a national treasure. Somewhere between respect and irreverence, Thomas turns these papers, shaped by tearing into individual monotypes, into everyday partners. Caressed, looked at in all their dimensions, sometimes mistreated, one might think wrongly, the small precious papers give themselves unashamedly to the successive phases of oiling, soaking and inking, the repositories of a process that has definitively adopted the natural rules of fertility.
Always similar, never identical, the individual monotype becomes a docile soldier for several more periods: that of waiting, that of selection, that of composition and, sometimes, that of assembly. Nothing is ever useless, everything is preserved for future potential. In the interstices, paper has seen as many celebrations as it has outrages. A living, available material, it opens up a creative plain where the artist gradually maps out his paths. These are the essential steps in the transmutation of matter, bringing the artist – engraver, colourist, mathematician and chemist – closer to the goldsmith, or even the alchemist. Only in this way can matter become language.
In Thomas’s studio, time is at work.
Virginie Tillier, September XXI
Dans l'atelier de Thomas Collet
« (...) l'archive, c'est aussi ce qui fait que toutes ces choses dites ne s'amassent pas indéfiniment dans une multitude amorphe, ne s'inscrivent pas non plus dans une linéarité sans rupture, et ne disparaissent pas au seul hasard d'accidents externes ; mais qu'elles se groupent en figures distinctes, se composent les unes avec les autres selon des rapports multiples, se maintiennent ou s'estompent selon des régularités spécifiques. »
Michel Foucault, L'archéologie du savoir, 1969
Dans l’atelier de Thomas, le temps est histoire. L’aile de la bâtisse dédiée aux expérimentations et créations se fait aussi l’hôte d’une part des archives dont l’artiste est le dépositaire. Livres d’art, ouvrages d’histoire et autres publications destinées à traverser les générations – dont Thomas incarne un médiateur – côtoient petits et grands papiers d’une famille aux cheminements multiples.
Les toiles de ces vingt dernières années, grands formats pensés à l’aulne de la mesure de l’Homme, portent de lumineuses palettes et se dressent au garde-à-vous pour qui veut bien considérer dans son ampleur et sa diversité l’œuvre de l’artiste coloriste. Pour certaines constituées de draps anciens ou d’étoffes soigneusement choisies puis montées au format désiré, chacune de ces peintures a construit une part significative du prolégomène qui mena peu à peu Thomas aux Ran, monotypes aux subtiles nuances chromatiques.
Dans l’atelier de Thomas, le temps est partenaire. Il est l’allié précieux du mémoriel en perpétuelle interrogation, comme autant d’éclats d’un miroir où l’artiste se découvre en même temps qu’il s’invente, travaillant solitaire mais, de fait, jamais seul. Les maîtres anciens admirés, les initiateurs rencontrés et les êtres passagers de l’aventure d’une vie forment, autant que chacun des individus-monotypes achevés ou en cours de gestation, tout un univers. Mieux : une constellation.
Dans l’atelier de Thomas, le temps est complice. Il prévient la perte regrettable, accompagne le geste dans son économie, garantit l’homéostasie du système. Le temps est agent, joue plein rôle, en toute confiance, lorsqu’il oxyde, sèche, métamorphose, récupère, permet la transformation des métaux, bois, papiers, pigments. Les huiles, les décoctions et les infusions se règlent en ballet dans un mouvement perpétuel où la recette côtoie la surprise et l’accident.
Dans l’atelier de Thomas, le temps est tradition et héritage. La vieille presse ABIG qui attend patiemment, pense-t-on, ses tours de piste, saura se régaler des papiers choisis. Les Canson d’antanont laissé place aux papiers italiens, allemands et japonais. Les procédés industriels de fabrication des papiers pour artistes ont souvent négligé de préserver les savoir-faire qui offraient, il y a vingt ans encore, des trames, des qualités d’absorption ou des tenues aux liquides trop souvent devenues nostalgies.
Le séjour au Japon propulsa Thomas dans une galaxie où le papier est demeuré végétal, procédé lent, complexe, coûteux : il en est même parfois considéré comme trésor national. Entre respect et irrévérence, Thomas fait de ces papiers, façonnés par la déchirure en individus- monotypes à venir, des partenaires du quotidien. Caressés, regardés sous toutes leurs dimensions, malmenés parfois pourrait-on penser à tort, les petits papiers précieux se donnent sans pudeur aux phases d’huilage, de trempages et d’encrages successifs, dépositaires d’un processus qui a définitivement fait siennes les règles naturelles de la fertilité.
Toujours semblable, jamais identique, l’individu-monotype se mue en docile soldat pour plusieurs temps encore : celui de l’attente, celui de la sélection, celui de la composition puis, parfois, celui de l’assemblage. Rien n’est jamais inutile, tout est conservé pour de futures potentialités. Dans les interstices, le papier aura traversé autant de célébrations que d’outrages. Matière vivante et disponible, il ouvre une plaine créative où l’artiste cartographie peu à peu ses chemins. Étapes indispensables à une transmutation de la matière qui rapproche l’artiste graveur, coloriste, mathématicien et chimiste à l’orfèvre, voire à l’alchimiste. C’est ainsi, et ainsi seulement, que la matière peut devenir langage.
Dans l’atelier de Thomas, le temps est à l’œuvre.
Virginie Tillier, septembre XXI