Comme le corps que nous formons, la pièce est mue par la causalité.
Causalité dont les actions particulières forment le général, or le général est créé par la somme des particularités.
Si le résultat est causal, il est difficile de savoir de qui vient l’antériorité, l’effet — le particulier qui crée le tout ou le tout qui est formé par les particularités réduites ? Certainement une causalité simultanée, un effet causal, c’est du moins ce qui semble le moins perturbant à accepter. Mais à ce compte avons-nous une quelconque emprise sur ce devenir causal ? Possédons-nous un système de compréhension et de mesure temporel interne suffisant ne serait-ce que pour voir l’évolution d’un effet général ?
La pièce qui se voile lentement est perçue d’un point de vue particulier, celui de chacun.
Il en résulte que la temporalité des effets sur les papiers regardés n’est pas la même que celle du spectateur.
La contamination n’est pas perçue dans sa progression, elle est trop lente. S’il a l’opportunité de voir le moment où l’encre se mêle à l’eau, alors, il est témoins qu’une chose s’est passé, spectateur d’un évènement irrémédiable — ces pieds de papier si blancs qui deviennent brutalement noirs. Il peut alors deviner la suite. Ce qu’il en prophétisera lui restera propre et discret.
Pour autant, sur la quasi-totalité du temps d’incubation, la colonisation de l’encre est si lente qu’elle n’est pas perçue, elle semble figée tant le présent fait présence et poids pour un spectateur baigné comme les papiers dans un bain lancinant. Il ne se rend pas compte, sauf à faire appel au souvenir d’états précédents, que les papiers et leur nature ont changé et que de plus en plus les individus vont évoluer vers de plus en plus contraste. Ainsi, pour éprouver le changement, il faut avoir eu une rupture temporelle, le changement d’état n’est pas visible à mesure mais en contraste. C’est parce que l’on aura quitté la contemplation de la pièce et qu’on y sera revenu plus tard que l’on pourra constater, en faisant appel au souvenir, un réel changement.
À mesure que la virginité des papiers se perd, naît de façon de plus en plus nette les contours de silhouettes personnelles au canon communs. La présence du sombre rend la possibilité de lumière évidente. Contraste encore.
À nous de voir cette croissance comme une finalité non dégénérative et non de la voir telle qu’elle est afin de la projeter telle que l’on voudrait qu’elle soit.
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