La réalité d’un artiste est de travailler son médium.
La vie du peintre est de peindre et au final son propos se résume à la peinture comme la musique pour le musicien.

On aurait tort de voir le médium seulement comme un moyen. Il est à la fois le champ de recherche et son accomplissement.
On pourrait dire que l’on travaille le médium pour devenir un autre. On pourrait même dire que ceci est possible à condition d’en être soi-même un, que l’on soit créateur ou spectateur.

Chaque médium a des propriétés et une force intrinsèque qui lui est propre dont les autres sont dépourvus. Elle se restitue dans ce que le spectateur actif, appelons-le « l’expérienceur », éprouve lorsqu’il est confronté à une œuvre. Si j’emploie le verbe éprouver, c’est à desseins, car j’exclus ici, dans ce champ, toute notion de sens ou de discours qui mettrait une valeur quelconque, une définition vitale à une œuvre.
C’est par nos sens, et nous en possédons plus de cinq, que nous recevons et réfléchissons (dans les deux définitions du terme) l’Art. Ce qu’une œuvre nous offre, et qu’un travail exclusivement théorique ou idéologique n’a pas, est de l’ordre du vivant, du mystère, de la physique et de la biologie, peut-être même de la transcendance.
Si le discours peut être présent au sein d’une œuvre, si de quelconque revendication ou dénonciations en font partie alors c’est qu’elles auront servi de moteur pour le créateur et qu’elles devraient servir de passerelle pour le spectateur ; le faire passer d’un état passif voir béa à actif et pleinement présent.

La fascinante ironie que j’ai pu relever est que le médium nous amène à éprouver de façon naturelle, non verbale, au moyen d’une cognition directe et particulière (dans ses deux sens : personnelle et unique) ce qu’elle n’a pas en elle comme contrainte.
C’est l’absence qui rend le phénomène présent.
Ainsi les arts plastiques et particulièrement la peinture, par la contemplation, nous donne une expérience du temps au-delà de nos vies et la musique, par l’écoute, une appréhension de l’espace décorrélée de notre corps.
Pour y parvenir, l’expérienceur doit se mettre en position de contemplation plutôt que d’être consommateur d’image, écouter plutôt qu’entendre.
L’art n’est pas un loisir, il demande aux deux parties humaines entourant l’œuvre – le créateur et l’expérienceur, un effort, une disponibilité.

L’Art n’est qu’une production humaine pour les humains — soyons exigeants dans nos faiblesses.

Fort de tout cela, j’aborde, à posteriori, l’installation comme à même d’exprimer quelque chose de la condition.

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